Michel Servet (Miguel Servet y Reves en Espagnol), né le 29 septembre 1511 en Aragon et exécuté le 27 octobre 1553 à Genève, est un théologien et Médecin d'origine espagnole qui découvrit la façon dont le sang passe dans les poumons pour s'oxygéner. Il fut brûlé vif pour ses idées le 27 octobre 1553.
Jeunesse et éducation
Il naquit à Villanueva de Sijena,
Huesca. Ses ancêtres paternels étaient venus du hameau de Serveto, dans les
Pyrénées aragonaises, d'où sa famille avait pris son nom. Par sa mère, il descendait de juifs convertis de la région de Monzón. En
1524, son père Antonio Servet (alias Revés, c'est-à-dire « Le contraire »), qui était notaire au monastère royal voisin de Sijena, l'envoya à l'université, probablement celle de
Saragosse ou de
Lérida. Michel Servet avait deux frères : l'un devint notaire comme leur père et l'autre prêtre. Très doué pour les langues, il étudia le
Latin, le
grec et l'
Hébreu. À l'âge de quinze ans, il entra au service d'un moine franciscain du nom de Juan de Quintana, un
érasmien et il lut la
Bible entière dans les langues originales des manuscrits dont on disposait à l'époque. Il fréquenta par la suite (en 1526) l'université de Toulouse où il étudia le droit. Là, il devint suspect du fait de sa participation à des réunions secrètes et aux activités d'étudiants protestants.
En 1529, il voyagea en Allemagne et en Italie avec Quintana, qui était alors le confesseur de Charles Quint. En octobre 1530, il rendit visite à OEcolampade, à Bâle, où il resta environ dix mois, en gagnant probablement sa vie comme correcteur dans une imprimerie locale. Vers cette époque déjà, ses convictions commençaient à se former. En mai 1531, il rencontra Martin Bucer et Wolfgang Fabricius Köpfel Capiton à Strasbourg et, deux mois plus tard, en juillet 1531, il publia De trinitatis erroribus (« Les Erreurs concernant la Trinité »). L'année suivante, il publia Dialogorum de Trinitate libri duo (« Dialogues sur la Trinité en deux livres ») (1532) et De Justitia Regni Christi (La Justice du Règne du Christ »).
Dans ces livres, Servet exposait une théologie qui soutenait que la croyance à la Trinité n'était pas fondée sur l'enseignement biblique mais plutôt sur ce qu'il voyait comme un enseignement trompeur des philosophes (grecs). Il se regardait comme celui qui ramènerait à la simplicité et à l'authenticité des Évangiles et des premiers Pères de l'Église. En outre, il espérait que l'abolition du dogme trinitaire rendrait aussi le christianisme attrayant envers les juifs et les musulmans, dont la religion était restée sévèrement monothéiste.
Servet affirmait que le Logos divin, qui était une manifestation de Dieu et non une personne divine distincte, avait été uni à un être humain, Jésus, quand l'esprit de Dieu était entré dans l'utérus de la Vierge Marie. C'est seulement à partir du moment de la conception que le Fils avait été réellement engendré. Donc le Fils n'était pas éternel, mais seulement le Logos au moyen duquel il avait été formé. Pour cette raison, Servet rejeta toujours l'idée que le Christ était « le Fils éternel de Dieu », il soutenait qu'il était simplement « le Fils de Dieu éternel ». Cette théologie, bien que complètement originale, était souvent comparée à l'Adoptianisme, au sabellianisme ou au Modalisme, qui étaient d'anciennes hérésies du christianisme. Sous la forte pression aussi bien des catholiques que des protestants, il modifia quelque peu cette explication dans son deuxième livre, Dialogues, pour faire coïncider en quelque sorte le Logos avec le Christ. C'était presque la conception pré-concile de Nicée, mais il était toujours accusé d'hérésie à cause de son insistance à combattre le dogme de la Trinité et l'individualité des trois personnes divines en un seul Dieu.
Il prit le pseudonyme de Michel de Villeneuve pour éviter d'être persécuté par l'Église en raison de ces oeuvres religieuses. Il étudia au Collège Calvi à Paris en 1533, puis après un certain temps revint à Paris étudier la médecine en 1536, ayant pour enseignants Sylvius, Fernel et Guinter, qui le saluèrent avec Vésale comme son assistant le plus compétent pour les dissections.
Parcours d'hérétique
Sa carrière médicale se poursuit à
Vienne dans le
Dauphiné. Servet acquiert là une position de notable, et découvre la
petite circulation sanguine, c'est-à-dire la manière dont le
Sang passe dans les
poumons pour s'oxygéner. Il voit là
le souffle de Dieu au coeur de l'homme.
Servet croit en effet en un Dieu « auquel l'homme peut s'unir ». Son ennemi Jean Calvin décrit « un souverain Seigneur (…) devant qui l'homme chétif et misérable ne peut que se prosterner dans la cendre, adorer et obéir ».
Surtout, Servet pousse très loin le principe du retour aux Évangiles. Pas de trace, dans ces derniers, du discours complexe sur la Trinité que l'Église catholique a mis au point pendant des siècles. Jésus n'est pas Dieu, mais un homme auquel l'essence divine s'est alliée temporairement. À l'hérésie, il ajoute le Blasphème : la Trinité est un « chien des Enfers à trois têtes, signe de l'Antéchrist ». Calvin écrit alors : « Si j'ai de l'autorité dans cette ville (Genève), je veillerai à ce qu'il ne la quitte pas vivant ».
Querelle épistolaire
À Vienne, Servet publie anonymement un nouveau brûlot, le
De erroribus Trinitatis, un ouvrage en 7 tomes, et se lance dans une dispute par correspondance avec Calvin. Ce dernier récolte des preuves et les livre à l'
Inquisition, manquant de peu de faire brûler Servet par les
catholiques. Incarcéré, Servet s'évade. Pour des motifs qui demeurent obscurs, il se rend à Genève, se jetant ainsi dans la gueule du loup.
« Je crois qu'il en avait assez de vivre sous une fausse identité. Peut-être a-t-il pensé qu'il avait une chance de remplacer Calvin », suggère le documentariste allemand Oliver Eckert qui a réalisé en 2005 un documentaire sur Servet. « Pour trouver un compromis avec l'empereur Charles Quint, les réformateurs avaient conservé des théories que l'Église catholique avait développées après les Évangiles. Servet voulait aller plus loin dans le retour aux Écritures. Il se prenait pour le représentant sur terre de l'archange Michel qui, dans l'Apocalypse, chasse la Bête... ».
C'est dans l'actuel jardin de La Colline, clinique privée située au bas de Champel, que Michel Servet a été attaché à un poteau et brûlé vif sur ordre du Grand Conseil contrôlé par Calvin, le 27 octobre 1553 : « Toy, Michel Servet, condamnons à debvoir estre lié et mené au lieu de Champel, et là debvoir estre à un piloris attaché et bruslé tout vifz avec ton livre, tant escript de ta main que imprimé, jusques à ce que ton corps soit réduit en cendres ; et ainsi finiras tes jours pour donner exemple aux autres qui tel cas vouldroient commettre ».
Souvenir
Aujourd'hui, Michel Servet a sa rue à Genève, son quartier (
La Servette) qui a donné son nom à plusieurs clubs sportifs genevois (tels que le
Servette FC, le Genève-Servette Hockey Club), ainsi que son monument expiatoire érigé en
1903 près de l'emplacement de son bûcher. Ce
Menhir porte une inscription où le
Calvinisme genevois regrette l
erreur mais blanchit son principal responsable, Calvin, pour faire porter le chapeau aux moeurs de son siècle. Il s'agit alors, selon l'historienne Valentine Zuber, de « désamorcer l'obstacle que représente encore l'affaire Michel Servet pour la réputation de Jean Calvin, à la veille du jubilé du réformateur de Genève en 1909 ».À son propos, Sébastien Castellion écrira : « Tuer un homme, ce n'est pas défendre une idée. C'est tuer un homme ».
Bibliographie
- BAINTON, Roland H., Michel Servet, hérétique et martyr, Genève, Droz, 1953
- ZUBER, Valentine, Les conflits de la tolérance. Michel Servet, entre mémoire et histoire, Paris, Honoré Champion, 2004
- ZUBER, Valentine (ed.), Michel Servet (1511-1553). Hérésie et pluralisme du XVIe au XXIe siècles, Paris, Honoré Champion, 2007